- ALLEMAGNE - République fédérale , vie politique
- ALLEMAGNE - République fédérale , vie politiqueStabilité et changement rythment l’évolution de la république fédérale d’Allemagne (R.F.A.), fondée en 1949. Lors de la seconde unification de l’Allemagne, le 3 octobre 1990, l’autre État allemand, la République démocratique allemande (R.D.A.), disparaît en s’intégrant au système juridique, politique et socio-économique de la R.F.A. L’avenir montrera si cette extension vers l’Est remet en question la stabilité interne de la République fédérale dont la capitale politique va être transférée de Bonn à Berlin avant l’an 2000.Avec seulement sept présidents de la République et six chanceliers, la R.F.A. se classe parmi les pays les plus stables du monde occidental. Pendant les vingt premières années du nouvel État, le gouvernement fédéral a été dominé par les chrétiens-démocrates (Christlich-Demokratische Union et Christlich-Soziale Union, C.D.U.-C.S.U.). Le Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, S.P.D.) constituait la principale formation de l’opposition. Le gouvernement de grande coalition (C.D.U.-C.S.U. et S.P.D.) de Kurt Georg Kiesinger (C.D.U.) a réuni de1966 à 1969 les deux grandes formations politiques, puis l’alternance s’est produite avec pour la première fois le passage de la C.D.U.-C.S.U. dans l’opposition au niveau fédéral. Le S.P.D. a assumé à partir d’octobre 1969 la direction du gouvernement à Bonn, avec l’appoint du petit Parti libéral (Freie demokratische Partei, F.D.P.), l’ancien allié de la C.D.U.-C.S.U. de 1949 à 1966. La coalition sociale-libérale s’est rompue en septembre 1982 et, le 1er octobre, les chrétiens-démocrates ont de nouveau formé le gouvernement fédéral avec l’appoint du F.D.P. Ce retour à l’ancienne formule a été confirmé par les élections fédérales de 1983 à 1994.Stabilité n’est pas synonyme d’immobilité. Le jeu des partis politiques allemands s’est considérablement simplifié en passant du pluralisme au tripartisme, en évoluant du centre droit vers le centre gauche après 1969 puis en revenant au centre droit en 1982. La percée des écologistes en 1983 et l’arrivée en 1990 des communistes réformateurs de l’ancienne R.D.A., le Parti du socialisme démocratique (Partei des demokratischen Sozialismus, P.D.S.), ont mis fin au tripartisme. Une bonne partie de la population de l’actuelle R.F.A. est née après 1945 – ce qui constitue aussi un facteur de changement appréciable. Malgré les destructions dues à la guerre, l’économie allemande est devenue la première en Europe, et elle se situe dans le peloton de tête sur le plan mondial. Les inégalités sociales sont toujours présentes et les disparités prennent une nouvelle ampleur depuis l’unification, mais le réseau de protection sociale est suffisamment développé pour que le «modèle allemand» soit souvent cité en exemple. Placée sous la tutelle alliée, la R.F.A. ne disposait pratiquement d’aucune souveraineté extérieure en 1949; elle a peu à peu obtenu sa liberté d’action et déploie une grande activité sur le plan international. L’Allemagne unie jouit de sa pleine souveraineté interne et externe.La réussite de cet État ne peut cacher le fait que la R.F.A. vit dans un malaise permanent. Malgré ses amitiés et ses alliances, elle se sent souvent incomprise. Malgré sa puissance et sa richesse, elle donne l’impression d’être désarmée face aux contraintes qui pèsent sur elle. Malgré le calme politique, elle doute de sa stabilité intérieure. Les actions terroristes des années soixante-dix, puis la montée des mouvements écologistes et pacifistes et l’affirmation de l’extrémisme de droite ont fait apparaître des forces qui contestaient parfois violemment les choix fondamentaux de l’État. Contrairement à bien des pays plus troublés et moins riches, la République fédérale s’interroge constamment sur son identité, même après avoir retrouvé son unité.Depuis le rattachement de la Sarre, le 1er janvier 1957, la R.F.A. occupe, avec Berlin-Ouest, 248 625 km2; la R.D.A., avec Berlin-Est, a une superficie de 108 332 km2. Supérieurs à la surface de la R.D.A., les territoires allemands incorporés en 1945 à la Pologne et à l’U.R.S.S. représentent 114 300 km2.L’objectif de la R.F.A. après 1949 était de devenir un État comme les autres. N’était-ce pas se contenter des délimitations imposées par les vainqueurs et construire une nation aux dimensions de cet État en acceptant la division de l’Allemagne; Mais un tel renoncement ne constituerait-il pas un abandon vis-à-vis des autres Allemands et ne serait-il pas considéré comme une trahison par beaucoup de citoyens de la République fédérale; Ce qui remettrait en cause l’unité et la tranquillité de celle-ci. L’Allemagne unie n’a plus besoin de se poser ces questions, mais d’autres problèmes l’assaillent.1. La République fédérale et la souveraineté allemandeLa situation en 1949La République fédérale a pour ainsi dire une double origine. Elle est née de la libre volonté de ses habitants et de la décision des trois occupants de rétrocéder à un État ouest-allemand une part de la souveraineté acquise en 1945. La Loi fondamentale (Grundgesetz ), adoptée par le Conseil parlementaire constituant le 8 mai 1949, est entrée en vigueur le 23, après sa ratification par les parlements des Länder (États), dont les institutions ont été mises en place à partir de 1946. «Loi fondamentale» et non Constitution: la nuance est destinée à montrer le caractère provisoire de l’ensemble. Selon le préambule, le peuple allemand s’est donné la présente Loi fondamentale «pour une période de transition». Il a agi aussi pour ceux des Allemands qui étaient privés de la possibilité d’y coopérer. «Le peuple allemand tout entier demeure invité à achever, en disposant librement de lui-même, l’unité et la liberté de l’Allemagne.»L’article 146 et dernier précise: «La présente Loi fondamentale cessera d’être valable le jour de l’entrée en vigueur d’une Constitution adoptée par le peuple allemand en pleine liberté de décision.» Or, dès avant la création de la République fédérale, les Trois ont limité sa souveraineté. D’abord, l’Autorité internationale de la Ruhr, entrée en fonction le 28 décembre 1948, enlève en principe au futur État allemand la libre disposition de la sidérurgie et des charbonnages; elle disparaîtra avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (C.E.C.A.) en 1951. Ensuite, un Office militaire de sécurité reste en principe chargé de «prévenir la renaissance de toute organisation militaire ou paramilitaire» jusqu’en 1955, alors que, dès 1950, le réarmement allemand est proposé et préparé. Mais, surtout, les trois Occidentaux proclament le 8 avril 1949 que «les gouvernements de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis conservent l’autorité suprême assumée par eux aux termes de la déclaration signée à Berlin le 5 juin 1945» et, deux jours plus tard, ils promulguent le statut d’occupation applicable à la République fédérale naissante. Ce statut a été imposé aux représentants du nouvel État et non pas négocié avec eux. Les trois Occidentaux se réservent des pouvoirs spécifiques dans le domaine du désarmement et de la démilitarisation, du contrôle concernant la Ruhr et les Affaires étrangères; ils surveillent aussi les réparations, la décartellisation, la déconcentration, le commerce extérieur et le change. Ils veulent faire respecter également la Loi fondamentale (les amendements doivent obtenir leur approbation) et les constitutions des Länder.Un Haut-Commissariat, composé d’un haut-commissaire pour chaque pays occupant, est chargé d’appliquer le statut.Statut et souverainetéLe projet d’Europe communautaire, lancé à partir de 1950 avec la C.E.C.A. et la Communauté européenne de défense, ne peut se réaliser avec une Allemagne privée de politique étrangère. Le 6 mars 1951, la «petite révision» du statut d’occupation reconnaît à la République fédérale le droit d’exercer partiellement une action extérieure, puis d’avoir un ministre des Affaires étrangères. Avec l’entrée en vigueur des accords de Paris du 24 octobre 1954, le statut d’occupation devient lettre morte bien avant d’être officiellement supprimé le 5 mai 1955.Les accords de Paris stipulent notamment l’entrée de la République fédérale dans l’O.T.A.N. et la création de l’Union de l’Europe occidentale. L’importante Convention sur les relations entre les trois puissances et la république fédérale d’Allemagne constituait depuis lors le document essentiel concernant le statut international de cette dernière. L’article premier abroge le statut d’occupation et affirme que «la République fédérale exercera la pleine autorité d’un État souverain sur ses affaires intérieures et extérieures».Mais l’article 2 apporte aussitôt de sérieuses restrictions: «En raison de la situation internationale qui a, jusqu’à ce jour, empêché la réunification de l’Allemagne et la conclusion d’un règlement de paix, les trois Puissances se réservent les droits et les responsabilités antérieurement exercés ou détenus par elles en ce qui concerne Berlin et l’Allemagne dans son ensemble, y compris la réunification de l’Allemagne et un règlement de paix. Les droits et les responsabilités que se réservent les trois Puissances en ce qui concerne le stationnement des forces armées en Allemagne et la protection de leur sécurité font l’objet des articles 4 et 5 de la présente Convention.»La souveraineté est donc complète – sauf pour le problème national. De plus, l’article 5 précise que les Trois peuvent prendre toutes sortes de mesures pour «faire face à une atteinte grave portée à la sécurité et à l’ordre public», du moins jusqu’à l’entrée en vigueur d’une législation allemande sur l’état d’urgence (Notstandgesetzgebung ), adoptée après de longues querelles par le gouvernement de grande coalition.La situation aurait été relativement simple si les Allemands avaient souffert des restrictions de souveraineté et si le but de leur politique extérieure était leur suppression. Mais, précisément, le rappel des prérogatives des Trois était à la fois désagréable et souhaité: les Allemands de l’Ouest voulaient oublier la situation de 1945 et toujours s’y référer, puisque le maintien du quadripartisme était une sorte de garantie contre la division définitive de l’Allemagne. En effet, tant pour l’avenir de Berlin que pour la réunification, il était essentiel que les Quatre maintiennent le principe du quadripartisme. Or l’Union soviétique faisait preuve de la même prudence et de la même continuité dans son attitude que les Occidentaux. Pendant plusieurs années, à partir de novembre 1958, Khrouchtchev avait bien brandi la menace d’un traité de paix séparé avec «son» Allemagne – la R.D.A. – et répété que le quadripartisme était mort. Mais, le 12 juin 1964, il signait avec Walter Ulbricht un simple traité d’amitié, qui, selon l’article 9, «ne touchait pas aux droits et obligations des deux parties nés d’accords en vigueur, bilatéraux et autres, y compris l’accord de Potsdam». Les accords et les traités conclus pour normaliser les rapports entre la République fédérale et les pays de l’Est (Ostpolitik ) n’ont pas remis en question cette donnée fondamentale.Le seul État allemand;De 1949 à 1955, chaque bloc ne reconnaissait qu’un État allemand. En septembre 1955, l’Union soviétique a échangé des ambassadeurs avec la République fédérale, reconnaissant ainsi l’existence de deux États. Les Occidentaux, eux, n’ont pas reconnu la R.D.A. avant les années soixante-dix. Le problème présentait deux aspects: celui de la succession ouverte en 1945 et celui de la représentation de l’Allemagne.Sur le plan du droit interne, le Tribunal constitutionnel fédéral, dans une décision de 1953, qui fait date, a précisé sa théorie de la continuité de l’État allemand: 1945 signifie un changement de régime et non une disparition d’État; il y a eu un effondrement d’État et, depuis 1949, la République fédérale est l’héritière de l’Allemagne unitaire de 1871. Le gouvernement de Bonn a voulu faire triompher ce point de vue, y compris par des sacrifices matériels et psychologiques. Le traité avec Israël et l’indemnisation des victimes du nazisme ont été fondés non seulement sur des considérations morales, mais aussi sur le désir de montrer que l’État qui acceptait la responsabilité civile des crimes hitlériens (alors que la R.D.A. ne payait rien et n’indemnisait personne; cette attitude négative ne change qu’en 1990) était bien l’État successeur de l’Allemagne antérieure. L’honorabilité de la République fédérale y a gagné, mais, en même temps, les sentiments anti-allemands demeurés présents dans les autres pays se sont portés surtout sur elle. La doctrine de ses alliés n’en est pas moins restée floue: s’ils ont volontiers accepté de laisser la République fédérale payer les dettes de l’Allemagne de Weimar, leurs gouvernements et leurs tribunaux ont pris des décisions contradictoires en la matière. Leur position, qui était loin d’être parfaitement claire, avait notamment été définie par la déclaration de Londres du 3 octobre 1954, maintes fois reprise depuis: «Ils [les trois gouvernements] considèrent le gouvernement de la République fédérale comme le seul gouvernement allemand librement et légitimement constitué et habilité, de ce fait, à parler au nom de l’Allemagne, en tant que représentant du peuple allemand dans son ensemble.»Les derniers mots correspondent à la notion d’Alleinvertretungsrecht (droit exclusif de représentation) sur laquelle a été fondée la politique extérieure de la République fédérale. Mais les Trois distinguaient nettement entre la responsabilité juridique sur l’ensemble du territoire allemand, responsabilité qu’ils déniaient au gouvernement de Bonn en charge seulement du territoire correspondant aux zones occidentales d’occupation, et le droit de parler au nom de tous les Allemands en l’absence d’un autre gouvernement «librement et légitimement» constitué. La discussion sur ces deux adverbes n’avait évidemment pas cessé d’être vive parmi les acteurs et les observateurs du problème allemand. Si la légitimité se référait au quadripartisme de 1945, il est clair que, les Quatre «possédant» la souveraineté allemande de façon indivise, le quatrième avait aussi peu ou autant que les trois autres le droit de sortir de l’indivision et de rétrocéder sa souveraineté à «son» Allemagne. Mais, si la légitimité se déduit de la liberté, il est non moins clair que celle-ci, telle qu’on la conçoit à l’Ouest, n’a assurément pas présidé à la naissance de la R.D.A., et n’y a pas existé jusqu’en 1989. Les pays occidentaux, objectera-t-on, reconnaissent bien des gouvernements qui ne sont pas issus de libres élections. À quoi il est répondu que, pour la R.D.A., il s’agit non de reconnaître un gouvernement, mais un État – qui ne serait que la dépendance d’une puissance étrangère. Cette question a été longtemps au cœur de la politique extérieure et des préoccupations intérieures de la République fédérale.Ces problèmes très complexes n’ont été que partiellement réglés par les accords et traités du gouvernement Brandt, qui normalisent les rapports entre la République fédérale et ses voisins à l’Est. Par le Traité fondamental, signé le 21 décembre 1972 à Berlin, la R.F.A. et la R.D.A. décident de développer «entre elles des relations normales de bon voisinage sur la base de l’égalité des droits» (art. 1er); elles «partent de l’idée qu’aucun des deux États ne peut représenter l’autre sur le plan international ni agir en son nom» (art. 4). La fin du droit exclusif de représentation que se donnait Bonn ne réglait pas toutes les difficultés, car une divergence essentielle subsistait sur la question nationale, à tel point que le préambule du traité en fait mention. L’existence de deux États était bien admis, mais qu’en était-il de la nation allemande; L’Allemagne fédérale affirmait qu’il existait toujours une seule nation (donc une seule nationalité allemande); la R.D.A. défendait au contraire la thèse de l’existence de deux nations distinctes et d’une citoyenneté propre à la R.D.A. La R.F.A. imposera en partie son point de vue en faisant admettre que la nature des relations entre les deux États est différente de celle qui existait entre des États étrangers, aussi les deux Allemagnes échangèrent-elles non pas des ambassades mais des représentations permanentes. Le gouvernement de Bonn réaffirma régulièrement la validité du préambule de la Loi fondamentale qui invitait le peuple allemand «à parachever l’unité et la liberté de l’Allemagne». Mais, comme la réunification relevait de la compétence des quatre Grands, celle-ci restait paradoxalement le signe de l’existence maintenue d’une nation allemande englobant les deux États et Berlin. Les habitants de la République fédérale n’ayant pas pour référence ultime la nation, ils se reconnaissaient dans un credo libéral, dans une référence de substitution qui était celle de la freiheitliche demokratische Grundordnung (l’ordre fondamental libéral et démocratique).2. Institutions et vie politiqueDroits fondamentaux et Tribunal constitutionnelUne constitution est en général rédigée par opposition au système politique qui l’a précédée. La Loi fondamentale veut éviter les faiblesses institutionnelles de la République de Weimar et garantir les droits et libertés supprimés par le régime hitlérien. Aussi commence-t-elle par une énumération des droits fondamentaux qui, contrairement aux préambules des constitutions françaises, «lient les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire à titre de droit directement applicable», et crée-t-elle un Tribunal constitutionnel fédéral dont les possibilités d’action sont grandes et dont le rôle s’est révélé de première importance.Parmi les droits qui ont fait l’objet d’interprétations ou d’applications particulières, on peut en relever trois. Le droit à l’objection de conscience, inscrit dès l’origine, a été précisé de façon très libérale par un additif constitutionnel et par une loi spéciale, en 1956. La liberté de l’information a reçu une interprétation particulièrement vigoureuse dans le jugement du 28 février 1961, par lequel le Tribunal constitutionnel interdisait au gouvernement fédéral de contrôler une chaîne de télévision. Les restrictions apportées aux libertés d’opinion et de réunion pour les militaires sont en partie compensées par la nomination d’un commissaire du Parlement (Wehrbeauftragter ) auprès de l’armée, chargé de recueillir directement les plaintes et pétitions des soldats, et, depuis 1967, par l’instauration du droit syndical pour les militaires, le commandant en chef de la Bundeswehr donnant aussitôtson adhésion à la Fédération des transports et services publics de la Confédération allemande des syndicats (D.G.B.).En même temps, la Loi fondamentale, par référence implicite à la fois au nazisme et au communisme, met en œuvre le principe contesté «pas de liberté pour les ennemis de la liberté» en déclarant que «la liberté de l’enseignement ne dispense pas de la fidélité à la Constitution» et en prévoyant la déchéance des droits fondamentaux pour ceux qui auraient abusé de ces droits en vue de combattre l’ordre fondamental libéral et démocratique. Il revient au Tribunal constitutionnel de se prononcer sur cette déchéance, de même que c’est à lui de décider de l’application du très important article 21, lequel a largement inspiré l’article 4 de la Constitution française de 1958.«1. Les partis concourent à la formation de la volonté politique du peuple. Leur fondation est libre. Leur organisation interne doit être conforme aux principes démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de la provenance de leurs ressources.«2. Les partis qui, d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs sympathisants, visent à porter atteinte à l’ordre fondamental libéral et démocratique, ou encore à mettre en danger l’existence de la République fédérale, sont anticonstitutionnels.»C’est en se fondant sur cet article que le Tribunal a déclaré inconstitutionnels, en 1952, un parti d’extrême droite et, le 17 août 1956, le Parti communiste; ces décisions ont entraîné l’interdiction des deux partis. Comme dans d’autres arrêts, le Tribunal a accompagné sa sentence – contestable et contestée – de très longues considérations dont l’ampleur même est révélatrice de son rôle. En effet, le Tribunal ne se limite pas à dire le droit, à décider si telle loi est conforme ou non à la Constitution et à trancher les conflits entre le pouvoir central et les Länder: il considère que sa mission est aussi d’expliciter la morale politique sur laquelle repose la collectivité nationale, de faire en quelque sorte la théorie de l’ordrepolitique sur lequel est fondée la République fédérale. Le rôle du Tribunal n’a cessé de s’accroître pendant la période sociale-libérale car il fut souvent saisi par l’opposition démocrate-chrétienne; il a continué à s’affirmer après 1983.Un fédéralisme limitéLes Länder existaient avant le Bund (État fédéral). Selon la Constitution, «l’exercice des pouvoirs et l’accomplissement des tâches de l’État incombent aux Länder, à moins que la présente Loi fondamentale n’en dispose autrement ou n’admette un autre règlement». Mais elle précise aussi que «le droit fédéral prime le droit du Land». En fait, le Bund a droit de législation exclusif dans de nombreux domaines et droit de législation concurrente dans la plupart des autres. Il existe cependant un secteur très important dans lequel la souveraineté des Länder reste à peu près absolue, y compris pour les accords à passer avec les États étrangers (ainsi la Basse-Saxe a conclu en 1965 un concordat avec le Saint-Siège): la culture, l’éducation, l’enseignement. Il n’y a pas de ministre fédéral de l’Éducation, et les tentatives de coordination des systèmes d’enseignement sont faites par les Länder eux-mêmes. Ceux-ci ont des ressources financières importantes dont ils reversent environ un tiers au Bund, la ventilation finale des recettes fiscales laissant environ, en 1989, 46,7 p. 100 au Bund, 35,3 p. 100 aux Länder, 13,8 p. 100 aux communes et 4,2 p. 100 à la Communauté européenne.Chaque Land a un gouvernement et une assemblée législative. La vie politique régionale n’est pas toujours animée, mais ses interpénétrations avec les institutions et les évolutions au niveau national sont multiples. Les Länder participent au pouvoir législatif par le Bundesrat (Conseil fédéral), qui se compose de membres de leurs gouvernements. Chaque Land avait au moins trois voix; les Länder comptant plus de deux millions d’habitants en avaient quatre et ceuxde plus de six millions en avaient cinq. Depuis la réunification, les quatre plus grands Länder, avec plus de 7 millions d’habitants (Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Bavière et Rhénanie-du-Nord - Westphalie), ont six voix. Cette répartition favorise évidemment les petits Länder, si l’on songe que Brême a 700 000 habitants et la Rhénanie-du-Nord - Westphalie 17,1 millions. En revanche, la proportion démographique est respectée pour l’élection du président de la République: l’assemblée spéciale qui l’élit est composée des membres du Bundestag (Assemblée fédérale) et d’un nombre égal de délégués des parlements des Länder désignés proportionnellement à leurs populations respectives et à la répartition des forces politiques au sein de chacun d’entre eux.Ces forces sont les mêmes qu’au niveau national, mais leurs implantations varient selon les régions. Il en résulte de grandes diversités dans les coalitions gouvernementales qui dirigent les Länder. Chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates, libéraux et Verts sont tantôt dans l’opposition, tantôt au pouvoir, en alliance tantôt avec celui-ci, tantôt avec celui-là. C’est ce qui a permis au S.P.D., exclu du pouvoir à Bonn de 1949 à 1966, de ne pas se laisser aller à l’amertume et d’administrer la preuve qu’il était capable de gouverner. Grâce à sa forte présence dans les Länder et au Bundesrat, la C.D.U.-C.S.U. a continué à peser sur la gestion du pays et sur les grands choix politiques pendant sa période d’opposition à Bonn entre 1969 et 1982. Le prestige d’un homme politique peut se créer ou se développer au niveau du Land. Ainsi, Kurt Georg Kiesinger, après avoir été député à Bonn, puis chef du gouvernement de Bade-Wurtemberg, a été choisi par son parti pour devenir chancelier en 1966. Son successeur Willy Brandt s’était tout d’abord fait connaître en Allemagne et sur le plan international par ses responsabilités de maire régnant de Berlin-Ouest. Helmut Schmidt avait acquis sa réputation d’homme énergique en participant au gouvernement de Hambourg entre 1961 et 1965. Helmut Kohl enfin a été apprécié comme chef du gouvernement régional de Rhénanie-Palatinat avant de s’imposer au niveau fédéral. Rudolf Scharping, élu président fédéral du S.P.D. en 1993, n’aurait pas accédé à cette fonction s’il n’avait pas été ministre-président de Rhénanie-Palatinat.Un président sans pouvoirsLe président de la République de Weimar détenait de grands pouvoirs. Weimar a mal fini. Aussi les constituants de Bonn ont-ils créé un président sans grande possibilité d’action. Contrairement aux présidents des IIIe, IVe et Ve Républiques françaises, il ne préside pas le Conseil des ministres. Pour la désignation du chancelier, il propose une personnalité au Bundestag; mais si l’assemblée ne l’élit pas, il ne peut en proposer une autre. En outre, pratiquement toutes ses actions sont soumises au contreseing gouvernemental.Le mandat du président dure cinq ans. Il ne peut être renouvelé qu’une seule fois; trois des sept premiers présidents y ont eu recours. Le président de la République exerce une haute magistrature morale, mais le pouvoir est détenu par le chancelier qui bénéficie de surcroît d’une grande stabilité. Le président de la République résidait à Bonn, siège du gouvernement, du Parlement et des administrations fédérales, avant la décision, prise en juin 1991, de transférer progressivement la capitale politique à Berlin. De 1954 à 1969, il a été élu à Berlin-Ouest; depuis, l’élection se déroulait à Bonn, pour ne pas violer les dispositions de l’accord quadripartite de Berlin, de 1971. Après la réunification allemande, elle se déroule de nouveau à Berlin, comme en 1994. Le choix de Bonn,petite ville rhénane, mal située et au départ mal équipée, comme capitale fédérale soulignait le caractère provisoire du nouvel État en attendant que Berlin redevienne la vraie capitale de l’Allemagne.Les présidents, membres de l’un des trois grands partis au pouvoir à Bonn, ont donné, de façon fort différente, un contenu politique à la fonction présidentielle. Theodor Heuss (1884-1963), F.D.P., président de 1949 à 1959, a exercé une remarquable magistrature morale. Ses discours, d’une qualité littéraire et humaine exceptionnelle, constituaient autant de prises de position pour la démocratie libérale, contre le nationalisme et pour la prise de conscience de ce qu’avait été l’hitlérisme. Heinrich Lübke (1894-1972), C.D.U., président de 1959 à 1969, a voulu donner une interprétation extensive des pouvoirs constitutionnels du président: droit de refuser les nominations soumises à sa signature et préférences affichées pour telle ou telle coalition gouvernementale. Son action n’a pas toujours été approuvée par le milieu politique et par l’opinion. L’élection du social-démocrate Gustav Heinemann (1899-1976), préfigurait l’arrivée au pouvoir de la coalition S.P.D.-F.D.P. à l’automne de 1969. Ce protestant rigoureux, très actif dans la résistance contre Hitler, fit beaucoup pour réconcilier l’Allemagne avec ses anciens ennemis. Il fut remplacé en 1974 par Walter Scheel (né en 1919), F.D.P., vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères du gouvernement Brandt. Il introduisit un peu de la gaieté rhénane à la présidence de la République et, par des discours souvent remarquables, poursuivit l’effort d’éducation civique mené par ses prédécesseurs. Comme la majorité de l’Assemblée fédérale chargée d’élire le président avait évolué en faveur de la C.D.U.-C.S.U., celle-ci se prononça en 1979 pour Karl Carstens (1914-1993), C.D.U., secrétaire d’État, puis président du groupe parlementaire C.D.U.-C.S.U. et président du Bundestag en 1976. Il a été remplacé le 1er juillet 1984 par Richard von Weizsäcker, C.D.U., ancien maire de Berlin-Ouest qui, grâce à son rayonnement personnel, a fait la quasi-unanimité des grands partis autour de son nom, illustrée par sa réélection en 1989. Le discours qu’il prononça lors du quarantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe et de la tyrannie national-socialiste a connu un écho impressionnant en Allemagne fédérale et à l’étranger. Roman Herzog (né en 1934), C.D.U., auparavant président du Tribunal constitutionnel fédéral, est, depuis le 1er juillet 1994, le septième président de la République.Gouvernement et ParlementLes constituants ont voulu assurer la stabilité gouvernementale, tout en faisant du chef de l’exécutif l’émanation de l’Assemblée. Le chancelier est élu, sans débat, à la majorité absolue. Jusqu’ici, il n’y a jamais eu échec du candidat proposé par le président. La marge la plus étroite a été celle de Konrad Adenauer (1876-1967) à sa première élection, le 15 septembre 1949, puisqu’il a obtenu très exactement le nombre requis de voix, 202 sur 402. En 1976, Helmut Schmidt (né en 1918) dut se contenter de 250 voix: il lui en fallait 249. En 1994, Helmut Kohl est également réélu avec une voix d’avance. Le chancelier est le vrai chef du gouvernement. C’est lui qui propose au président les ministres à nommer ou à révoquer. Il arrête les lignes directrices de la politique et en assume la responsabilité. Il appartient au cabinet de se prononcer sur les divergences d’opinions survenues entre ses membres; cette disposition introduit un caractère collégial, demeuré fort théorique sous Adenauer, mais devenu réel sous ses successeurs.Pour empêcher le renversement des gouvernements par des oppositions conjuguées incapables de former une majorité de rechange, comme sous Weimar, les constituants ont rédigé l’article 67: «L’Assemblée ne peut exprimer sa défiance envers le chancelier qu’en élisant un successeur à la majorité absolue et en invitant le président de la République à relever le chancelier de ses fonctions. Le président doit faire droit à cette demande et nommer la personnalité élue.» Une clause analogue de la Constitution de Rhénanie-du-Nord - Westphalie avait cependant amené deux fois, en février 1956 et en décembre 1966, un changement de gouvernement régional à Düsseldorf. Au niveau fédéral, le «vote de méfiance constructif» a été utilisé une première fois sans succès par Rainer Barzel (C.D.U.) le 27 avril 1972 pour remplacer le chancelier Brandt (né en 1913); il avait besoin de 249 voix, or il n’en recueillit que 247. C’est par cette même procédure qu’Helmut Kohl (né en 1930) a au contraire réussi à remplacer Helmut Schmidt le 1er octobre 1982.Les changements précédents de chancelier se sont produits de façon très différente. Élu en 1949, Konrad Adenauer (C.D.U.) a été réinvesti sans difficulté après les élections de 1953, 1957 et 1961. Sa démission le 15 octobre 1963 a été obtenue par une forte pression de son propre parti. Devenu chancelier en 1963, le professeur Ludwig Erhard (1897-1977) a été réélu en 1965. Il est abandonné par ses alliés libéraux en septembre 1966, et son propre parti, la C.D.U.-C.S.U., le pousse ensuite à la démission pour mettre en place une grande coalition avec le S.P.D., dirigée depuis le 1er décembre 1966 par le C.D.U. Kurt Georg Kiesinger (1904-1988). Ce dernier dut se retirer en octobre 1969, car son ancien allié Willy Brandt avait décidé de former une nouvelle coalition avec les libéraux de Walter Scheel. Willy Brandt démissionna le 7 mai 1974, estimant que son autorité de chancelier était atteinte par la découverte d’un espion est-allemand dans son entourage immédiat. Helmut Schmidt dut quitter le pouvoir le 1er octobre 1982 car, après l’éclatement de la coalition S.P.D.-F.D.P., une partie des libéraux et les députés C.D.U.-C.S.U. firent élire Helmut Kohl chancelier par l’intermédiaire du «vote de défiance constructif».Sauf lorsque la C.D.U.-C.S.U. a disposé de la majorité absolue, de 1957 à 1961, la République fédérale a toujours eu des gouvernements de coalition: chrétiens-démocrates, libéraux et Parti allemand de 1949 à 1953; les mêmes, plus le Parti des réfugiés de 1953 à 1957; chrétiens-démocrates et libéraux de 1961 à 1966; chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates avec le cabinet Kiesinger. Pendant treize années (1969-1982), sociaux-démocrates et libéraux ont gouverné ensemble au niveau fédéral puis, comme de 1949 à 1966, chrétiens-démocrates et libéraux ont formé de nouveau une alliance le 1er octobre 1982. La loi électorale, fondée sur la représentation proportionnelle, est largement responsable de l’existence de gouvernements de coalition. Avec le système britannique, les chrétiens-démocrates auraient pu gouverner seuls à plusieurs reprises. Une crise entre coalisés ne conduit pas nécessairement à la chute du chancelier: en décembre 1962, le conflit qui opposa les libéraux au ministre de la Défense Franz Josef Strauss, à propos de l’action entreprise par celui-ci contre l’hebdomadaire Der Spiegel , aboutit au remaniement du cabinet Adenauer et au départ de F. J. Strauss. Par contre, la crise de l’été de 1982 entre le S.P.D. et le F.D.P. provoqua la chute d’Helmut Schmidt.Comme dans les autres États modernes, le gouvernement allemand monopolise pratiquement l’initiative législative, le Parlement amendant légèrement et adoptant les textes proposés par l’exécutif. Un peu moins de 80 p. 100 des lois sont d’origine gouvernementale, un peu moins de 20 p. 100 viennent du Bundestag; la part du Bundesrat est de l’ordre de 2 p. 100. Les initiatives communes à ces trois organes représentent environ 1 p. 100 des cas. Les deux Chambres – l’Assemblée fédérale et le Conseil fédéral – ont en effet le droit d’initiative. La procédure législative est assez compliquée. L’important est la distinction entre deux catégories de lois: celles qui n’ont pas d’incidences sur la vie des Länder et pour lesquelles le Bundestag a le dernier mot, et celles qui doivent nécessairement recevoir l’accord du Bundesrat (Zustimmungsgesetze ). En cas d’opposition entre les Chambres, un appel à une commission paritaire de médiation est possible; son efficacité a toujours été remarquable.En dehors du travail législatif, l’Assemblée exerce son contrôle sur le gouvernement par le vote du budget, ainsi que par le jeu des questions orales et des interpellations. Si les commissions spécialisées travaillent avec sérieux et compétence, les séances plénières sont souvent mornes, parce que la discipline de vote exclut les surprises et que, depuis la disparition de l’extrême gauche et de l’extrême droite en 1953, l’opposition est raisonnable et sans grande véhémence. Du temps de la grande coalition, l’opposition se trouvait réduite au Parti libéral et le véritable débat politique se déroulait au sein du gouvernement ou entre les deux grands partis. Les séances du Parlement furent plus animées entre 1969 et 1972 quand la C.D.U.-C.S.U., qui admettait mal son passage dans l’opposition, contestait systématiquement les initiatives du gouvernement Brandt. En entrant au Bundestag en 1983, les députés écologistes ont suscité une agitation inhabituelle par leur tenue vestimentaire et par leur façon parfois provocante d’intervenir dans le débat politique. Le rôle des députés de gauche, en provenance de l’ancienne R.D.A. (parti du socialisme démocratique et mouvements civiques d’Alliance 90) a été limité dans le premier Bundestag de l’Allemagne unie, élu en 1990; ces derniers ont fusionné avec les Verts, mais leur influence est encore plus réduite. En Allemagne fédérale, comme dans la plupart des régimes parlementaires, l’affrontement ne se fait pas entre le législatif et l’exécutif, mais entre la majorité et l’opposition. Des tensions existent d’autre part entre le gouvernement, les groupes parlementaires de la majorité et les directions des partis de la majorité.Les partis politiquesLes résultats électoraux montrent que la concentration des suffrages sur un nombre restreint de partis est une donnée majeure de l’évolution politique. De 1961 à 1983, il n’y avait plus que trois formations représentées au Bundestag. En 1949, elles ne rassemblaient que 72,1 p. 100 des suffrages; ce pourcentage ne cessa d’augmenter ensuite, au point d’atteindre 99,1 p. 100 en 1976. Avec la percée des Verts et la présence des communistes réformateurs, la part des grands partis se réduisait quelque peu; elle tomba à 84,8 p. 100 en 1994. Une des raisons de la réduction du nombre de partis présents au Bundestag doit être cherchée dans la loi électorale qui incite le citoyen à «voter utile» puisqu’un parti doit atteindre 5 p. 100 des votes dans l’ensemble du pays ou obtenir 3 sièges directs pour avoir droit à la répartition proportionnelle. Le Parti des réfugiés a été ainsi éliminé du Parlement en 1957 pour être tombé de 5,9 à 4,6 p. 100. En 1969, le parti néo-nazi N.P.D. (National-Demokratische Partei Deutschlands, Parti national-démocrate d’Allemagne) manqua de peu son entrée au Bundestag en obtenant 4,3 p. 100 des voix. S’il avait réussi à faire élire des députés, la coalition S.P.D.-F.D.P. ne serait pas arrivée au pouvoir cette année-là. L’élection des députés écologistes en 1983met fin à une longue période de tripartisme, mais sans que le jeu des institutions en soit modifié, car la coalition C.D.U.-C.S.U.-F.D.P. dispose d’une majorité suffisante pour se passer du concours des Verts à Bonn. Ces derniers sont écartés du Bundestag en 1990 mais restent présents dans les parlements régionaux où ils gouvernent parfois avec le S.P.D. Ils reviennent en 1994 et le P.D.S. profite des particularités du système électoral pour affirmer sa présence depuis 1990. Malgré tout, les deux grands partis continuent de dominer la vie politique. Les Allemands tolèrent les extrêmes car leur faiblesse numérique ne remet pas en cause la position acquise par les «partis établis». La participation électorale élevée et le report de plus de 84 p. 100 des votes sur les trois grands partis prouvent que ces formations sont bien acceptées, malgré les critiques légitimes qu’elles suscitent. Ces partis, à quelques différences sociologiques près, représentent l’ensemble des couches de la population, ce qui explique une certaine convergence idéologique entre eux. Ils connaissent tous des problèmes semblables de cohésion, de programme et de direction.La démocratie chrétienneLa démocratie chrétienne allemande se compose de deux branches qui forment cependant un groupe parlementaire commun au Bundestag, mais elles sont juridiquement et politiquement distinctes. L’Union chrétienne-démocrate (C.D.U.) existe dans tous les Länder, sauf en Bavière où l’Union chrétienne sociale (C.S.U.) mène une action indépendante. De 1961 à 1988, la C.S.U. est présidée par Franz Josef Strauss, qui sait faire agir en bloc les députés de son parti (une cinquantaine environ depuis 1953); ministre des Finances de 1966 à 1969, il exerce depuis 1978 les fonctions de ministre-président en Bavière, mais sans avoir renoncé à agir au niveau fédéral. Par des déclarations parfois peu mesurées, il a considérablement gêné le travail gouvernemental du chancelier Helmut Kohl. Franz Josef Strauss est mort le 3 octobre 1988. Il a été remplacé par Max Streibl puis par Edmund Stoiber comme ministre-président de Bavière et par Theo Waigel à la présidence de la C.S.U. Dans le cadre plus large de l’Allemagne unie, l’influence de ce parti, limité à la Bavière, est plus réduite.La C.D.U. est née de l’initiative de résistants anti-hitlériens internés dans la prison berlinoise de Moabit. Des syndicalistes chrétiens, des protestants d’origines diverses,des membres de l’ancien Zentrum catholique voulaient construire une Allemagne rénovée, profondément transformée dans ses structures économiques et sociales et débarrassée de tous les poisons du national-socialisme. Les nécessités électorales allaient ternir quelque peu la pureté du premier programme de la C.D.U. Le programme économique et social de la zone britannique, adopté à Ahlen, le 9 février 1947, avait été inspiré par Karl Arnold, ministre-président de Rhénanie-Westphalie, et par ses amis syndicalistes et catholiques de «gauche». Le programme de Düsseldorf du 15 juillet 1949, en revanche, rejetait toute planification de la production, de la main-d’œuvre, ou des débouchés intérieurs et extérieurs. Il prévoyait simplement une action sur l’économie par la politique fiscale et le régime des importations. C’est en fait la Soziale Marktwirtschaft du professeur Erhard qu’il décrivait. Son adoption a marqué une nette victoire de l’aile «libérale» sur l’aile «socialisante» du parti.La C.D.U. est un parti véritablement interconfessionnel, à la différence du Zentrum d’avant-guerre, au sein duquel le protestantisme n’était que très faiblement représenté. Mais l’interconfessionnalité se présente sous des aspects très différents, selon le niveau auquel on se situe. Les votes protestants sont proportionnellement d’autant plus nombreux que la population compte moins de catholiques, tandis qu’ailleurs la C.D.U. fait figure de parti catholique. Parmi les membres du parti, les catholiques sont pourtant surreprésentés, et le noyau des militants est catholique dans la plupart des régions. Ce phénomène s’explique surtout par la meilleure intégration des catholiques dans des mouvements confessionnels qui les prédisposent à une action militante. Sur les quatre chanceliers C.D.U. (Adenauer, Erhard, Kiesinger et Kohl), seul Erhard était protestant, les trois autres étant catholiques. Les deux chanceliers S.P.D. (Brandt et Schmidt) étaient au contraire protestants, et les catholiques se trouvaient en minorité dans leurs gouvernements. Les ministres catholiques sont en général plus nombreux que les protestants dans les gouvernements fédéraux auxquels participe la C.D.U.-C.S.U.La C.D.U. est un parti assez fortement décentralisé dont l’organisation avait longtemps fait l’objet de critiques nombreuses dans ses propres rangs. Depuis le congrès de 1967, un secrétaire général devait en principe lui insuffler une vigueur nouvelle. Mais il est évident que les dirigeants d’un parti au pouvoir ont tendance à considérer celui-ci moins comme l’inspirateur que comme lepropagandiste de leur politique. Et le principe a été admis que le chancelier doit être en même temps chef du parti. Konrad Adenauer est arrivé au pouvoir avant l’unification de la C.D.U., qui l’a évidemment porté à la présidence lors de sa création au niveau national en 1950. Il demeure à sa tête jusqu’en mars 1966, et le parti a eu beaucoup à souffrir de la dualité Erhard-Adenauer pendant l’hiver de 1965-1966. Le congrès de 1966 a porté le chancelier Erhard à la présidence. Après la chute de ce dernier, Kurt Georg Kiesinger a été élu président par le congrès de mai 1967. Après la perte du pouvoir en 1969, K. G. Kiesinger ne put se maintenir à la tête du parti que jusqu’en 1971 pour être remplacé par son ambitieux rival Rainer Barzel. Deux ans plus tard, pris dans les contradictions de la politique démocrate-chrétienne à l’égard de la normalisation des rapports avec l’Europe de l’Est, ce dernier démissionna. Son successeur, Helmut Kohl, avait déjà essayé de se faire élire en 1971. En accédant à la chancellerie en 1982, il a tout naturellement conservé la présidence de la C.D.U.Pendant son passage dans l’opposition au niveau fédéral, la C.D.U. s’est profondément transformée. Elle a plus que doublé le nombre de ses adhérents (730 000 en mars 1983); elle s’est dotée d’une organisation très efficace et elle a beaucoup réfléchi aux bases théoriques de son action. Grâce au développement systématique de son implantation locale et régionale, elle a gagné de nombreux mandats au détriment du S.P.D. Depuis les élections de mars 1983, tous les postes importants de l’État (présidence de la République, chancelier, président du Bundestag et Tribunal fédéral constitutionnel jusqu’en 1994) sont occupés par des membres de la C.D.U. Après son retour au pouvoir, la C.D.U. subit le contrecoup des mécontentements, elle recule sur le plan électoral, tant au niveau fédéral que dans les Länder. Après une augmentation quasi continue jusqu’en 1893, le nombre de ses membres stagne puis baisse de façon sensible (676 000 au début de 1989). De 1983 à 1994, la C.D.U.-C.S.U. recule de 48,8 p. 100 à 41,5 p. 100 aux élections fédérales.Les années d’opposition à Bonn avaient vu se développer l’autonomie de la C.S.U. qui, forte de ses résultats électoraux de l’ordre de 55 à 60 p. 100 en Bavière, se montrait de plus en plus exigeante. Une véritable querelle l’opposait à la C.D.U. quant à la stratégie à appliquer pour reconquérir le pouvoir.Sachant que les majorités absolues étaient rares au niveau fédéral, la C.D.U. d’Helmut Kohl plaidait pour le maintien de bons rapports avec les libéraux afin de reconstituer ultérieurement les anciennes coalitions avec eux. Franz Josef Strauss voulait au contraire se passer du F.D.P. pour jouer un rôle plus important dans un gouvernement C.D.U.-C.S.U. Après avoir menacé en 1972 de mettre fin à l’existence du groupe parlementaire commun C.D.U.-C.S.U. au Bundestag, Franz Josef Strauss accepta finalement la candidature d’Helmut Kohl à la chancellerie en 1976, non sans l’accompagner de commentaires désobligeants pour le président de la C.D.U. Franz Josef Strauss imposa sa propre candidature à la chancellerie en 1980, mais son échec électoral permit le retour d’Helmut Kohl. Les rapports entre les deux hommes et les deux partis ont connu de nombreuses perturbations, y compris après l’installation au pouvoir à Bonn. La C.S.U. comptait 182 000 membres au début de 1989.Le Parti social-démocrateLe Parti social-démocrate d’Allemagne (S.P.D.) est le plus ancien des partis actuels, car ses origines remontent à 1863. Malgré la politique répressive de Bismarck, il devint ultérieurement la première force politique de l’Empire. Il joua ensuite un rôle important sous la République de Weimar, dont il fut un des principaux soutiens. Hitler l’interdit le 23 juillet 1933 et annula ses mandats au Reichstag. L’émigration a fortement marqué le S.P.D. et, après 1945, on pouvait craindre une méfiance populaire à l’égard de ceux qui n’avaient pas vécu en Allemagne la période de l’effondrement et qui avaient souvent passé les années de guerre dans un pays ennemi. C’est l’une des causes du durcissement nationaliste du S.P.D. de l’après-guerre.Le 6 octobre 1945, les chefs socialistes survivants se réunirent au couvent de Werningsen, près de Hanovre, pour préparer la reconstruction du parti. Trois personnalités dominèrent le débat: Kurt Schumacher (1895-1952), qui, depuis juin 1933, avait été envoyé d’un camp de concentration à l’autre, et, dès sa libération, avait reconstitué un parti socialiste dans la zone britannique; Erich Ollenhauer (1901-1963), qui arrivait de Londres comme représentant du comité directeur en exil; et Otto Grotewohl (1894-1964), qui venait de Berlin où il dirigeait le Partisocialiste de la zone soviétique. Grotewohl proposa une fusion avec le Parti communiste. Schumacher, soutenu par Ollenhauer, préconisa l’indépendance du S.P.D.: le 22 avril 1946, le Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, S.E.D.) était créé de force à l’Est. Le 10 mai, le congrès du S.P.D., réuni à Hanovre, élisait Schumacher et Ollenhauer comme président et vice-président d’un parti qui n’existait plus qu’en Allemagne occidentale. Pour les chrétiens-démocrates, la coupure entre Est et Ouest ne devait devenir effective qu’en décembre 1947. Le S.P.D. a souffert de la division de l’Allemagne et a été considérablement affaibli, car il était surtout implanté en Prusse.Le S.P.D. n’en est pas moins resté pendant longtemps le parti le plus nombreux, le plus organisé, le seul parti de masse de la République fédérale. Cependant, le retour à la prospérité ayant diminué l’intérêt des Allemands pour la participation à des groupes organisés, partis politiques compris, le nombre de ses adhérents et de ses sections locales a décliné à partir de 1947-1948 pour se stabiliser à partir de 1955-1956. À la fin de 1947, le parti comptait 875 000 adhérents. Ce nombre a progressivement diminué pour n’atteindre plus que 710 000 à la fin de 1965. Au cours des années 1970, il a atteint et dépassé un million d’adhérents; au début de 1989, il en comptait 886 000.L’idéologie du S.P.D. est déterminée à la fois par ses possibilités électorales, par l’évolution de la société industrielle et par la volonté de s’opposer au communisme. Sur le plan électoral, le parti est fort surtout dans les régions protestantes. Le S.P.D. n’est pas laïque, au sens français du terme, mais suffisamment hostile à toute influence politique de l’Église pour qu’évêques et curés recommandent en général aux fidèles catholiques, jusque dans les années 1960, de ne pas voter pour un parti se réclamant d’un socialisme condamné par les papes. Le programme de base (Grundsatzprogramm ) que le congrès extraordinaire du parti, réuni à Bad Godesberg, a adopté le 15 novembre 1959, est encore plus éloigné du marxisme originel et même du programme de 1925. La phrase clé, celle qui explique mieux que toute autre considération l’évolution idéologique du S.P.D., figure dans la dernière partie, Notre chemin : «D’un parti de la classe ouvrière, le parti social-démocrate est devenu un parti du peuple.» Comme le Labour Party, comme les partis frères d’Autriche ou de Suède, le S.P.D. veut être capable d’attirer à lui la majorité d’un corps électoral dans lequel les ouvriers sont de plus en plus minoritaires.Pour y parvenir, il faut présenter aussi des dirigeants de valeur et déterminer une stratégie d’ensemble. Après la catastrophe des élections de 1957, Erich Ollenhauer reconnut loyalement son manque de rayonnement personnel et le parti a présenté, comme aspirant chancelier pour les élections de 1961, le maire de Berlin, Willy Brandt. Malgré la jeunesse et la séduction personnelle de celui-ci, le vote de 1961 fut un demi-échec. Willy Brandt n’en devint pas moins vice-président du parti au congrès de mai 1962 et, après la mort d’Erich Ollenhauer, le 14 décembre 1963, un congrès extraordinaire le porta à la tête du S.P.D. le 16 février 1964. La campagne électorale de 1965 fut menée en accentuant encore le rapprochement idéologique avec les chrétiens-démocrates. Le résultat fut encore décevant: le S.P.D. progressait, alors que la C.D.U. reculait, mais il ne dépassait toujours pas le seuil des 40 p. 100. Découragé, Willy Brandt ne voulait plus briguer le pouvoir. Mais, au congrès de Dortmund, en juin 1966, le parti le maintenait à sa tête en gardant également les deux vice-présidents, dont l’un, Herbert Wehner (1906-1990), ancien membre du Particommuniste, était à la fois le maître de l’organisation et le stratège du parti. C’est lui qui, dès 1962, a commencé à préparer le terrain pour la grande coalition avec les chrétiens-démocrates, seul moyen, selon lui, de rendre définitivement honorables, aux yeux de la petite bourgeoisie allemande, les anciens «rouges» socialistes et aussi de mener une politique efficace vers l’Est. Dans le gouvernement Kiesinger, Willy Brandt est devenu vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères; Herbert Wehner s’est chargé du portefeuille des «Affaires concernant l’Allemagne dans son ensemble».En prenant en octobre 1969, pour la première fois dans l’histoire de la République fédérale, la direction du gouvernement à Bonn, le S.P.D. crut qu’il allait enfin pouvoir faire triompher son programme réformiste. De nombreux projets furent effectivement élaborés dans le secteur socio-économique, et le nouveau chancelier Willy Brandt vit grandir encore davantage son prestige international en mettant en œuvre une ample politique de réconciliation et de normalisation avec les pays d’Europe de l’Est. Mais le S.P.D. découvrit rapidement les limites de son action, si bien que l’écart resta grand entre les promesses et les réalisations effectives. Les réformes de structure exigeaient une longue phase de préparation; la crise économique qui sévissait depuis 1974 ne facilitait pas le financement de réformes coûteuses; le S.P.D. devait tenir compte aussi des objectifs de son allié libéral, souvent différents des siens, et du poids de l’opposition démocrate-chrétienne, solidement implantée au Parlement et prompte à saisir le Tribunal fédéral constitutionnel.Dix-huit mois seulement après le triomphe électoral de novembre 1972, qui faisait du S.P.D. le premier parti du Bundestag, Willy Brandt démissionnait, non seulement à cause de l’espion Guillaume, mais aussi parce que sa crédibilité de chef du gouvernement avait beaucoup souffert face à la montée des difficultés socio-économiques consécutives au premier choc pétrolier. Avec l’arrivée d’Helmut Schmidt à la chancellerie, l’accent fut moins mis sur les réformes que sur l’assainissement des structures sociales et économiques. Sa position n’était pas facile car il devait constamment prouver que le S.P.D. restait un parti du centre, désireux à la fois de ne pas rompre avec son aile gauche et de ne pas effrayer la partie de son électorat tentée de voter pour les autres formations. Pour la première fois depuis 1953, le S.P.D. reculait aux élections de 1976. En effrayant de nombreux électeurs modérés, la candidature de Franz Josef Strauss à la chancellerie en 1980 donna un nouveau répit au S.P.D. mais, deux ans plus tard, la coalition avec le F.D.P. se rompait. L’usure du pouvoir, le rejet d’un réformisme prudent par l’aile gauche du parti, les divisions de la coalition à propos du budget, la difficulté croissante à financer l’ample réseau de protection sociale en période de récession et les nombreux reculs du parti aux élections régionales et communales expliquent la fin de la coalition S.P.D.-F.D.P. le 17 septembre 1982. Les désaccords croissants sur les euromissiles ont également joué un rôle.Refusant de se présenter comme candidat à la chancellerie aux élections fédérales anticipées de 1983, Helmut Schmidt a été remplacé par Hans-Jochen Vogel, ancien maire de Munich, ancien ministre de la Construction et de la Justice, maire régnant de Berlin au cours du premier semestre de 1981. Avec 38,2 p. 100 des voix, le S.P.D. a cependant connu une défaite électorale spectaculaire qui le rejette vingt ans en arrière. Hans-Jochen Vogel a également assumé la succession d’Herbert Wehner comme président du groupe parlementaire, celui-ci étant considéré comme le véritable stratège du S.P.D. La relève de la troïkaBrandt-Wehner-Schmidt place le S.P.D. devant de redoutables problèmes personnels. Après son retour dans l’opposition, le S.P.D. apparaît ainsi comme un parti divisé et manquant de dirigeants d’envergure nationale; de plus, les bases de son pouvoir local et régional se sont singulièrement détériorées. Aux élections fédérales de 1987, le S.P.D. descend même jusqu’à 37 p. 100 des voix, après la campagne électorale peu convaincante de son candidat à la chancellerie, Johannes Rau, ministre-président de Rhénanie-du-Nord - Westphalie. Le 23 mars 1987, Willy Brandt démissionne de la présidence du S.P.D., il est remplacé le 14 juin par Hans-Jochen Vogel, déjà président du groupe parlementaire. Oskar Lafontaine, ministre-président de Sarre, celui sur lequel reposent les espoirs du parti pour les années 1990, accède à la vice-présidence. L’échec du S.P.D. aux élections fédérales de 1990 (33,5 p. 100) provoque l’effacement d’Oskar Lafontaine qui a toujours été en retrait dans le débat sur l’unité allemande. Pour accélérer la relève des générations, Hans-Jochen Vogel démissionne de la présidence fédérale du parti où il est remplacé en mai 1991 par Björn Engholm. Profitant des échecs de la C.D.U. aux élections régionales, le S.P.D. gouverne, en 1994, dans dix Länder sur seize et obtient la majorité au Bundesrat. Son objectif est de revenir au pouvoir, au niveau fédéral, en 1994. Compromis par un scandale politique dans le Schleswig-Holstein, Björn Engholm démissionne en 1993. Le nouveau président fédéral du S.P.D., Rudolf Scharping, est chef du gouvernement de Rhénanie-Palatinat. Avec 36,4 p. 100 aux élections de 1994, le S.P.D. n’est plus qu’à 5 points de la C.D.U.-C.S.U. Rudolf Scharping abandonne le gouvernement de Mayence pour se faire élire président du groupe parlementaire S.P.D. à Bonn.À côté de la C.D.U.-C.S.U. et du S.P.D., les petites formations politiques ne jouent pas un rôle négligeable. Pour gouverner, Konrad Adenauer s’était appuyé sur de petits partis qui furent ensuite absorbés par la C.D.U.-C.S.U. Depuis 1949, le petit Parti libéral tient une place capitale dans la vie politique, dans la mesure où ses alliances décident du type de gouvernement qui exerce le pouvoir à Bonn. En abandonnant Ludwig Erhard en 1966, il provoqua l’installation de la grande coalition; sans lui, Willy Brandt ne serait pas devenu chancelier en 1969. En quittant le S.P.D. en 1982, il a entraîné le départ d’Helmut Schmidt et son remplacement par Helmut Kohl. Mais chaque changement de coalition provoque de graves crises internes et affaiblit le parti qui, après la période Erich Mende, a été présidé par Walter Scheel et, depuis 1974, par Hans-Dietrich Genscher. Le F.D.P. comptait 79 000 adhérents en 1980, il n’en a plus que 64 000 au début de 1989, le changement de coalition en 1982 lui ayant fait perdre de nombreuses sympathies. Le ministre fédéral de l’Économie, Martin Bangemann, n’assure la présidence du parti que pendant trois ans (1985-1988). Il est remplacé en octobre 1988 par le comte Otto Lambsdorff, compromis quelques années plus tôt dans le scandale sur le financement des partis politiques. En 1993, le ministre des Affaires étrangères Klaus Kinkel devient président fédéral du parti. En 1993-1994, le F.D.P. perd ses députés dans de nombreuses diètes régionales. Il s’est trop rapproché idéologiquement de la C.D.U.-C.S.U., mais son recul menace l’avenir de la coalition avec ces derniers.Malgré l’autorisation d’un nouveau parti communiste en 1968, le D.K.P. (Deutsche Kommunistische Partei, Parti communiste allemand) obtient des résultats électoraux d’environ 0,2 à 0,3 p. 100. Bien implantés en Allemagne de l’Est depuis 1990, les communistes réformateurs du P.D.S. envoient des députés au Bundestag depuis 1990et essaient de devenir le partenaire politique du S.P.D. Après son entrée dans différents parlements régionaux à la fin des années soixante et ses 4,3 p. 100 aux élections fédérales de 1969, le N.P.D. connaît des résultats de l’ordre de ceux du D.K.P.Fondé en 1983, le parti d’extrême droite, les Républicains, présidé par Franz Schönhuber jusqu’en décembre 1994, fait une percée électorale remarquée en 1989 (à Berlin-Ouest et aux élections européennes) mais ne parvient plus ensuite à s’imposer dans les autres consultations, sauf dans le Bade-Wurtemberg.La véritable innovation dans le système des partis politiques allemands a été à partir de 1979 l’émergence d’un parti écologiste, les Verts (Die Grünen), tout d’abord au niveau local et régional puis sur le plan fédéral. Né d’une contestation du système des partis traditionnels et d’une remise en cause assez radicale des modèles de développement socio-économique en vigueur en Allemagne fédérale, ce parti très hétérogène est divisé entre son désir de rester une opposition fondamentale et sa tentation d’aborder les problèmes sous un angle plutôt pragmatique. Les Verts sont présents dans de nombreux conseils municipaux et parlements régionaux. Entrés au Bundestag en 1983, ils retrouvent leurs sièges en 1987 mais ils les perdent en 1990 et reviennent en force en 1994. Depuis 1990, ils font également élire des députés au Parlement européen. Ils constituent une nouvelle force, apparemment durable, dans la vie politique allemande.3. Forces et contre-forcesLe poids du passéLes voix recueillies par l’extrême droite montrent que le passé n’avait pas été entièrement dominé, malgré la montée des générations nouvelles, dont le mode de vie et les préoccupations étaient, dans l’ensemble, tout à fait semblables à ceux des jeunes des autres pays occidentaux. Sauf installation permanente d’un système de contrainte, il était inévitable que des nostalgiques du passé demeurent, d’autant plus que la dénazification, mal conçue et mal effectuée, a laissé bien des traces. De plus, les réticences des contemporains du régime hitlérien entraînent souvent des ignorances chez les plus jeunes. Il est vrai que présenter des actes barbares commis au nom de son pays est moins aisé qu’on ne le croit hors d’Allemagne.Le réarmement a également rendu plus difficile la tâche des «pédagogues de la démocratie». Le renversement de politique a été terriblement brutal. Les premiers projets d’une contribution allemande à la défense de l’Europe ont été discutés à un moment où le vol à voile et l’escrime étaient encore interdits comme activités «militaristes». Même en les sélectionnant soigneusement, ce qui fut fait, il fallait bien faire appel à des généraux qui, quels qu’aient été leurs sentiments, avaient servi Hitler. Mais un effort sérieux a été accompli pour que l’armée fût fondée sur la notion de «citoyen en uniforme». Cet effort s’insérait dans un ensemble: gouvernement, syndicats, Églises, mouvements de jeunesse, universités populaires, presse et radiotélévision n’ont cessé de contribuer à la formation civique, laquelle comprend la connaissance du nazisme.En fin de compte, chaque année qui s’écoule dans la stabilité politique et la réussite économique constitue une étape vers une élimination définitive des poisons du passé. De plus, les couches sociales qui avaient fourni la masse des partisans hitlériens sont en voie de transformation, sinon de disparition. La société industrielle de la République fédérale ne fait plus qu’une place très réduite à une petite bourgeoisie luttant à la fois contre les trusts, qui la prolétarisent,et les «rouges», qui ne veulent la défendre qu’en la dissolvant dans une masse qu’elle méprise. De plus, les Allemands savent qu’ils appartiennent à une puissance de second rang: les rêves de domination sont bien morts. Le rapport au passé reste cependant un thème difficile. Le quarantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale est commémoré avec dignité, notamment avec le discours du président de la République, Richard von Weizsäcker. Quelques jours plus tôt, le président américain, Ronald Reagan, et le chancelier Kohl provoquent de violentes critiques en se rendant au cimetière militaire de Bitburg (dans l’Eifel) où, parmi les centaines de tombes, se trouvent quelques soldats de la Waffen-S.S. Toute une polémique éclate au milieu des années 1980 entre les historiens allemands sur la singularité des crimes nazis et sur l’opportunité de les comparer à ceux commis en d’autres lieux et en d’autres temps (notamment les crimes de Staline). Le président du Bundestag, Philipp Jenninger, C.D.U., doit démissionner le 11 novembre 1988 pour avoir tenu un discours maladroit à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Nuit de cristal, au cours de laquelle les nazis s’en prirent violemment aux juifs, faisant brûler leurs magasins et leurs synagogues. Dans l’Allemagne réunifiée, il est tout aussi difficile pour les Allemands de l’Est et de l’Ouest de se pencher en commun sur le passé communiste de l’ancienne R.D.A.L’action combinée de la volonté politique et du temps a éliminé également les problèmes nés d’un passé plus récent: celui des réfugiés. Environ huit millions d’Allemands, expulsés de l’Europe centrale et orientale ainsi que des régions situées à l’est de la ligne Oder-Neisse, se sont installés sur le territoire de la République fédérale dans l’immédiat après-guerre. À partir de 1949, trois autres millions s’y sont ajoutés: ils fuyaient le régime communiste jusqu’à ce que, le 13 août 1961, l’érection du Mur de Berlin interrompe ce «plébiscite avec les pieds». Grâce au développement économique, dont ils ont été un élément moteur, grâce aussi à de nombreuses mesures efficaces comme la «péréquation des charges», l’intégration des expulsés a peut-être été la réussite la plus éclatante de la République fédérale. Les gouvernements successifs ont eu tendance à accorder trop d’importance aux organisations qui prétendaient parler au nom des expulsés et se réclamaient du «droit au pays natal», alors que leur audience réelle était faible. Peu à peu, cependant, leur influence se réduit aux dimensions de leur représentativité effective. La détente dans les rapports Est-Ouest depuis 1987 a provoqué une augmentation rapide des autorisations de départ accordées par les pays d’Europe de l’Est à leurs ressortissants de souche allemande. Des centaines de milliers de personnes ont été accueillies en république fédérale d’Allemagne.Patronat et syndicatsÀ trois reprises, l’Allemagne a connu un système d’économie dirigée: sous Hitler, pendant l’occupation des vainqueurs, et en R.D.A. À trois reprises ce système est allé de pair avec une dictature politique. Il n’est donc pas étonnant que libéralisme économique et libertés publiques et privées se soient trouvés liés dans l’idéologie de la République fédérale, idéologie largement commune aux socialistes et aux chrétiens-démocrates, au patronat et aux syndicats.La Confédération allemande des syndicats (Deutscher Gewerkschaftsbund, D.G.B.) est née, en Allemagne fédérale, en octobre 1949. Il s’agit d’un syndicalisme unitaire et puissant; toutefois, la croissance fort lente du nombre des adhérents (7,7 millions en 1988contre 5 millions en 1949, alors que le nombre des salariés a augmenté dans une tout autre proportion) traduit une certaine désaffection à son égard. Ses fédérations sont de taille très inégale, depuis l’immense I.G. Metall avec ses 2,6 millions de membres jusqu’au syndicat des artistes avec 28 500 cotisants. En 1949, la revendication essentielle était celle de la cogestion, celle-ci devant être réalisée au niveau de l’économie nationale comme au sein de l’entreprise. La loi de 1951, obtenue par une menace de grève, ne donne que très partiellement satisfaction au D.G.B.: dans les charbonnages et la sidérurgie, toutes les entreprises de plus de mille salariés sont administrées par un conseil comprenant à la fois cinq représentants du capital et cinq représentants des salariés et dirigées par un directoire de trois membres dont l’un, le «directeur du travail», émane lui aussi des salariés. La loi de 1952 marque une défaite, puisque la cogestion étendue à l’ensemble des entreprises n’est plus paritaire. Depuis lors, les progrès ont été très limités et, surtout, l’attrait de la cogestion a diminué.La défense de la démocratie politique, autre idée essentielle et constamment maintenue, a conduit le D.G.B. à s’opposer pendant un temps au réarmement. Mais la majorité a estimé qu’il s’agissait là d’une forme d’action politique réservée aux partis, d’autant plus qu’au niveau des dirigeants, sinon des adhérents, les liens avec le S.P.D. ont toujours été fort étroits. L’effort principal porte donc aujourd’hui sur les revendications «classiques»: salaires, durée du travail, formation, lutte contre le chômage.L’essentiel du «programme fondamental», adopté en novembre 1963, porte sur la Verfügungsgewalt – le pouvoir de disposer des moyens de production –, pouvoir auquel les syndicats voudraient accéder et qu’ils jugent plus important que l’appropriation collective préconisée par le marxisme. De plus, le D.G.B. lutte «contre toutes lestendances totalitaires et réactionnaires» et combat «toutes les tentatives visant à limiter ou à détruire les droits fondamentaux» énumérés dans la Constitution.Le débat sur la cogestion fut relancé sous le gouvernement de grande coalition avec la création d’une commission d’experts qui proposa l’extension de la cogestion non paritaire. La loi de janvier 1972 sur les comités d’entreprises élargissait les compétences de ces derniers. Le projet de loi sur la cogestion, élaboré par le second gouvernement Brandt, se heurtait à de sérieuses difficultés car, en posant le problème de la représentation des cadres, le F.D.P. s’accordait avec la C.D.U.-C.S.U. pour laisser le dernier mot aux actionnaires. Votée le 18 mars 1976 par le Bundestag, la loi s’applique à environ 475 entreprises de plus de 2 000 ouvriers, à l’exception de celles déjà placées sous le régime de la loi de 1951. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 1976. Les conseils de surveillance sont composés du même nombre de représentants pour les actionnaires et les salariés, mais le président, qui sera toujours un représentant des actionnaires, dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité au conseil de surveillance. Le président est élu en principe à la majorité des deux tiers; si cette majorité n’est pas atteinte, il peut être élu par les seuls représentants des actionnaires. Une procédure semblable est envisagée pour la nomination des membres du directoire dans la mesure où le dernier mot revient aux actionnaires. Même le directeur du travail, responsable de la gestion du personnel, peut être élu sans l’approbation de la majorité des salariés au conseil de surveillance. Les cadres ne sont pas élus par l’ensemble du personnel mais par un collège spécial d’employés et de cadres. Très en retrait sur les projets du D.G.B. et du S.P.D., cette loi fut le résultat d’un laborieux compromis tant avec le F.D.P. qu’avec les chrétiens-démocrates. Elle apporte cependant de nouvelles responsabilités aux syndicats et permet de faire avancer la démocratie dans la vie économique et sociale. Le nouveau programme fondamental adopté au congrès du D.G.B. à Düsseldorf, du 12 au 14 mars 1981, met l’accent sur le retour au plein emploi, l’égalité sociale, l’extension des prestations sociales et la réforme de la formation professionnelle. Les préoccupations essentielles des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix sont la lutte contre le chômage et la défense des acquis sociaux, malgré la récession et l’obtention de la semaine de trente-cinq heures. L’unité de l’Allemagne provoque en 1991 la dissolution de la centrale syndicale de l’ancienne R.D.A. (F.D.G.B.). Le D.G.B. de l’Ouest étend ses activités à l’Est. Il doit prêter une attention particulière à l’harmonisation des conditions de la vie sociale et économique dans ce nouvel ensemble, fragilisé par d’importantes disparités.Les ÉglisesParmi les forces dont l’influence sur la vie publique contribue à donner son visage à la démocratie allemande, les Églises occupent une place privilégiée, qui tient tout d’abord à leur situation juridique. En France, depuis la séparation de l’Église et de l’État, l’appartenance à une religion est une affaire purement personnelle. En particulier, elle n’est pas indiquée sur les documents de l’état civil. En Allemagne, où il n’y a pas eu séparation, il n’est guère de formulaire où cette mention ne figure.Chaque Allemand baptisé appartient en principe à une Église et paie pour elle un impôt spécial prélevé par l’État. Cesser de pratiquer ne suffit pas pour sortir de son Église. Il faut encore déclarer officiellement son départ et obtenir de ne plus verser la Kirchensteuer .L’Église catholique connaît pour la première fois, avec la République fédérale, un État allemand unifié dans lequel ses membres ne sont pas trop minoritaires. La faible différence qui sépare les catholiques des protestants est au moins compensée par la structure peu rigide des Églises protestantes. Dans la mesure où l’on est en droit de parler de catholicismes nationaux, on pourrait dire que l’Allemagne catholique, contrairement à sa position géographique, s’est située sur le plan religieux entre la France et l’Espagne, que ce soit pour les rapports entre l’Église et l’État, la conception de l’intolérance, la question de l’éducation, le rôle du laïcat dans l’Église, les problèmes sociaux, l’attitude à l’égard du communisme, l’intervention dans la vie politique. Mais une évolution très sensible est intervenue pendant et depuis le Concile. L’épiscopat fait preuve de plus de prudence pendant les campagnes électorales (sauf en 1980); l’œcuménisme a réduit bien des difficultés interconfessionnelles, et l’Église s’est montrée beaucoup plus ouverte au monde moderne et à ses problèmes. Et, depuis 1965, un dialogue, limité mais nouveau de ton, s’était établi entre l’épiscopat allemand et l’épiscopat polonais. Il dénotait une sensibilisation nouvelle aux changements qui pouvaient intervenir dans les États dominés par le communisme. Un durcissement du catholicisme allemand a été de nouveau perceptible sous la coalition S.P.D.-F.D.P. avec le débat sur l’interruption volontaire de grossesse et le divorce.Partagé pendant la période hitlérienne entre deux minorités opposées d’une part – les «chrétiens allemands», instruments du nazisme, et l’Église confessante, courageusement résistante – et une majorité influençable d’indécis d’autre part, le protestantisme allemand s’est complètement rénové dans ses structures après la guerre. En août 1945, à la conférence de Treysa, un changement de nom fut décidé, qui avait une significationprofonde. Désormais, il n’y avait plus une Église évangélique allemande incarnant un type de protestantisme spécifiquement allemand, mais une Église évangélique en Allemagne, c’est-à-dire une branche allemande du protestantisme mondial. L’organisation de l’E.K.D. (Evangelische Kirche in Deutschland) fut mise au point à Eisenach en 1948. L’E.K.D. est une fédération de vingt-sept Églises provinciales autonomes à la tête desquelles il y a soit un évêque, soit un président. L’E.K.D. représente les Églises membres devant le pouvoir civil, coordonne leurs activités et peut prendre des positions au nom du protestantisme allemand sans jamais constituer elle-même une Église à proprement parler.L’E.K.D. essayait de maintenir son unité et de ne pas faire de différence entre ses membres, qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre Allemagne. Le pourcentage de protestants dans la population était beaucoup plus élevé à l’Est qu’à l’Ouest. La scission politique du pays a donc été profondément ressentie par l’Église évangélique en Allemagne, et son souci majeur a été d’éviter toute aggravation de la rupture. On comprend aisément que les problèmes de la réunification et du réarmement aient profondément divisé les dirigeants de l’E.K.D. Depuis 1957, la querelle s’était apaisée, à la fois parce que les éléments les plus «gauchistes» s’étaient trouvés de plus en plus minoritaires, et surtout parce que l’action des dirigeants de l’autre Allemagne était devenue de plus en plus inacceptable pour tous: volonté de paganiser la jeunesse, d’étouffer l’action des Églises, de diminuer les contacts entre les deux Allemagnes. En même temps, l’E.K.D. n’avait jamais cessé de chercher la conciliation plutôt que le combat et s’était montrée disposée à accepter les compromis qui ne touchaient pas à l’essentiel. De plus, c’est elle qui avait donné une impulsion nouvelle et peut-être décisive à la réflexion allemande sur les rapports avec la Pologne et sur la ligne Oder-Neisse. Intervenue en septembre 1969 sous la pression des autorités de R.D.A., la création de la Fédération de l’Église évangélique en R.D.A. a marqué, au niveau de l’organisation, la rupture complète entre les deux protestantismes allemands. De nombreux liens personnels subsistaient cependant, et l’E.K.D. continuait à soutenir financièrement les Églises protestantes de R.D.A. Le vaste débat sur le pacifisme a montré que les problèmes des rapports avec l’État se posaient dans des conditions très différentes. Exerçant une véritable médiation entre la population et le régime, l’Église protestante a joué un rôle considérable dans les événements qui ont provoqué la chute du communisme en R.D.A. Comme les partis et les grandes organisations sociales, l’E.K.D. a retrouvé son unité en 1991.Information et éducationPar comparaison avec la France, la principale originalité de la République fédérale, dans le domaine de l’action exercée sur l’opinion et par l’opinion, réside dans l’organisation et le fonctionnement de la radiodiffusion et de la télévision. Les divers organismes régionaux sont des institutions de droit public qui coordonnent leurs programmes, notamment pour l’alimentation des deux chaînes nationales de télévision. Il peut y avoir de légères différences dans leurs statuts, mais leur structure est à peu près la même. Le plus important, le Westdeutscher Rundfunk, l’Office de radiotélévision à Cologne, est soumis à un conseil de vingt et un membres, élus par le Parlement du Land à la proportionnelle des partis. Ce conseil élit à son tour un conseil d’administration de sept membres qui, de son côté, élit le directeur général. L’indépendance politique de ces institutionsest fort grande; le rôle culturel et pédagogique de la radio et de la télévision est considérable. Jusqu’en 1976, les sociétés publiques bénéficiaient du monopole de la radio et de la télévision. Depuis, les chaînes privées ont fait leur apparition, provoquant de nombreux changements dans le paysage audiovisuel allemand. De nouvelles structures pour la radio et la télévision sont mises en place dans l’ancienne R.D.A., calquées sur celles de l’Ouest.Comme dans les autres pays occidentaux, la presse écrite connaît les phénomènes préoccupants de la dépolitisation et de la concentration. La moitié environ des journaux est aux mains de douze groupes d’édition. Le plus grand de ces groupes, celui d’Axel Springer, contrôle près de 40 p. 100 du tirage global de la presse quotidienne, grâce notamment à la Bild Zeitung . Celle-ci, dont le niveau intellectuel et politique est déplorable, dépasse 5 millions d’exemplaires, alors que le tirage des quotidiens sérieux se situe entre 200 000 et 400 000. Parmi les hebdomadaires, deux sont d’une qualité sans doute unique en Europe, Die Zeit , par la valeur, le sérieux et la variété de ses commentaires, et Der Spiegel , par l’abondance de son information et par la place qu’il tient dans la vie politique, même si c’est une place discutée.Les intellectuels qui veulent prendre part à la vie publique et lutter contre le conformisme, dont la société allemande est particulièrement menacée, voient s’ouvrir largement à eux la radio, la télévision et la presse écrite. Mais leur champ d’action privilégié se trouve dans le domaine de l’éducation. Ici, malgré des structures très différentes (régionalisme, autonomie des universités, etc.), les problèmes sont fort semblables à ceux qui se posent en France et dans tous les pays développés: comment concilier démocratisation et sélection; Comment instaurer l’«éducation permanente», à la fois pour permettre à tous l’accession à la culture et pour créer la mobilité dont la société industrielle a besoin;La contestationEn dehors de la presse et des forces patronales, syndicales et religieuses, la république fédérale d’Allemagne a vu s’affirmer, dès la fin des années soixante, la contestation des étudiants, dont une minorité choisit la violence comme forme d’expression politique pour condamner la dépendance allemande vis-à-vis des États-Unis d’Amérique engagés au Vietnam et rompre avec la société capitaliste. Après des attentats contre les forces militaires américaines et contre des grands magasins, les terroristes s’en prirent directement aux représentants d’une société qu’ils voulaient détruire (hommes politiques, banquiers, dirigeants de l’économie, juges, policiers). Une vingtaine de personnes furent victimes d’actes terroristes, une quinzaine de jeunes gens trouvèrent la mort dans les affrontements avec la police ou se suicidèrent (notamment les deux dirigeants de la Fraction armée rouge, Ulrike Meinhof et Andreas Baader). Le paroxysme de la terreur fut atteint en 1977 avec le meurtre de Siegfried Buback, procureur général de la R.F.A., Jürgen Ponto, président de la Dresdner Bank, et Hanns-Martin Schleyer, président du patronat. La R.F.A. fut ainsi contrainte de s’interroger sur des problèmes entièrement nouveaux. Comment expliquer un tel recours à la violence dans une société qui fait du consensus social une de ses principales valeurs; Obligées de se défendre, les autorités de l’État furent aussi vivement critiquées à cause des mesures prises dans les domaines carcéral et judiciaire.Le terrorisme politique n’a pas totalement disparu, mais il n’est plus aussi oppressantqu’avant 1978. D’autres formes de contestation, moins violentes mais plus profondes, se sont affirmées depuis, comme le racisme et la xénophobie. De nombreuses «initiatives de citoyens» se sont constituées en marge des partis politiques traditionnels pour développer de nouvelles formes de participation à la vie de la cité et élaborer un style de vie différent. Les mouvements écologistes et pacifistes ont largement bénéficié de cette approche peu conformiste des problèmes de la société et de la croissance et tout particulièrement du débat fondamental sur l’utilisation de l’atome civil ou militaire. Même si les discours des représentants des partis traditionnels et des forces qui les contestent semblent souvent inconciliables, des influences réciproques se manifestent. Il est sain, par exemple, pour la démocratie que les écologistes soient entrés dans les parlements pour que le débat sur l’avenir de la société allemande se déroule à l’intérieur même des institutions. Les grandes querelles sur le réarmement, la guerre du Vietnam, le pacifisme et la réunification montrent que ces débats portent aussi sur le rôle que l’Allemagne fédérale doit jouer dans les relations internationales.4. La politique extérieureDéjà pour les États stabilisés, l’interaction entre politique intérieure et diplomatie est considérable. Pour la République fédérale, il est à peine possible de les séparer l’une de l’autre. Le premier but de la politique étrangère du chancelier Adenauer était précisément d’obtenir pour le nouvel État le droit d’avoir une politique étrangère. Ce but, on l’a vu plus haut, a été atteint progressivement, mais jamais complètement avant 1990. Le moyen le plus efficace d’y parvenir, c’est-à-dire de sortir la République fédérale de la sujétion dans laquelle la tenaient les vainqueurs, était de s’aligner sur ceux-ci, d’en devenir l’alliée fidèle. Kurt Schumacher et les socialistes ont, pendant cinq ans, combattu cette attitude en réclamant l’égalité par l’intransigeance. Mais le succès de leur grand adversaire C.D.U. les a conduits à se rallier à son principe de base, d’autant plus que ce principe était directement lié au besoin fondamental ressenti par les Allemands: la sécurité.Fidélité atlantiqueMalgré la place tenue dans les préoccupations allemandes par la construction de l’Europe et par la réunification, la priorité des priorités a longtemps été la sécurité, c’est-à-dire la défense contre une menace venue de l’Est. L’instauration d’un régime communiste en Allemagne de l’Est et le danger sans cesse renouvelé dans lequel les Berlinois devaient vivre expliquent cette préoccupation constante, dont les conséquences ont été multiples. L’immense majorité des Allemands avait fait implicitement un choix qui était très exceptionnel au XXe siècle. Ils ont préféré le maintien de certaines formes de la société politique et économique à l’unité nationale. Entre une réunification comportant un danger de «communisation» de l’Allemagne réunifiée et l’absence de réunification comportant la certitude que l’Allemagne de l’Ouest garderait ses libertés, ils ont opté pour la seconde solution, jusqu’à ce que l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est rende possible la réunification.Il en est résulté un besoin presque éperdu de confiance dans la protection américaine, avec la volonté de ne rien entreprendre qui puisse ébranler la confiance des États-Unis dans la République fédérale. Le S.P.D. a compris vers 1957 qu’il ne pouvait pas faire de progrès électoraux sans se montrer digne de cette confiance. L’existence d’une communauté atlantique fondée sur l’idéologie était également une évidence pour un pays qui considérait la nation comme une valeur secondaire par rapport à la défense d’une civilisation. Mais, vers 1965, la détente entre les États-Unis et l’U.R.S.S. et l’apaisement en Europe ont considérablement diminué le sentiment du danger; ce qui explique en partie que les liens avec Washington se soient un peu relâchés. La guerre du Vietnam puis les différences économiques, commerciales et monétaires ont accentué, depuis, cette détérioration. Les relations avec les pays de l’Europe de l’Est et le problème des euromissiles ont créé de nouveaux malentendus, bien que Bonn n’ait cessé de réaffirmer son attachement à la coopération avec les États-Unis et sa fidélité à l’Alliance atlantique. Le ton était devenu plus conciliant avec l’arrivée au pouvoir d’Helmut Kohl. Le traité de Washington (8 décembre 1987) conclu par les États-Unis et l’Union soviétique sur l’élimination des missiles intermédiaires avait été bien accueilli à Bonn; il avait permis une relance incontestable des relations entre la République fédérale et les pays d’Europe de l’Est, y compris l’U.R.S.S.Vers la réunificationL’ancrage à l’Ouest de la République fédérale n’avait jamais fait disparaître une autre préoccupation, celle de la réunification. Deux aspects essentiels de la politique extérieure sont ici liés. D’un côté, le désir de tranquillité: loin de vouloir, comme la Grande-Bretagne et la France, répondre à la question «Comment peut-on continuer à exercer une influence mondiale quand on a cessé d’être une puissance mondiale;», la République fédérale aimerait vivre comme la Suisse, sans responsabilités internationales, préoccupée de commerce et de bien-être. D’un autre côté, il y avait le sort de Berlin et celui des dix-sept millions de compatriotes de la République démocratique. Il en est résulté une sorte de «germanocentrisme» qui faisait, par exemple, qu’un gouvernement africain était traité par le gouvernement fédéral uniquement en fonction de son attitude sur le problème allemand.Ce problème n’avait apporté que de nombreux déboires. Longtemps, Konrad Adenauer a cru qu’un progrès vers la réunification devrait précéder la détente. Puis la politique allemande a admis que détente et progrès devaient être simultanés. Sous le gouvernement de grande coalition, elle acceptait de promouvoir la détente, dans l’espoir qu’un jour celle-ci ferait évoluer le problème allemand. Mais les interlocuteurs de l’Est – Union soviétique et Pologne surtout – demandaient que la République fédérale, pour sa contribution à la détente, fît des concessions unilatérales, précisément sur le problème allemand, à commencer par la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse et de l’existence de la R.D.A.La politique de normalisation avec les pays de l’Europe de l’Est, partiellement amorcée avant 1969, est à mettre au crédit de Willy Brandt, qui fut récompensé par le prix Nobel de la paix en 1971. Quatre principes guidaient sa politique: la reconnaissance des frontières existantes en Europe, le non-recours à la force, le développement de la coopération dans tous les domaines et le maintien du principe de la réunification. Un ensemble complexe de traités a été signé avec l’U.R.S.S., la Pologne, la Tchécoslovaquie, la R.D.A.; un accord quadripartite sur Berlin a été élaboré, et les deux Allemagnes ont pu entrer à l’O.N.U. le 18 septembre 1973. Les espérances suscitées par ces textes n’ont pas toutes été réalisées, mais la R.F.A. n’en est pas moins devenue le principal partenaire commercial des pays de l’Europe de l’Est. Malgré diverses mesures de Berlin-Est tendant plutôt à décourager les relationshumaines avec la R.F.A., les échanges se sont considérablement développés entre les deux Allemagnes. Les événements d’Afghanistan et de Pologne et le surarmement soviétique n’ont pas empêché la poursuite du dialogue avec l’Est. La République fédérale estimait qu’elle conservait dans ce domaine une responsabilité particulière en raison de sa situation géographique et de la division de la nation allemande. La perspective d’un accord américano-soviétique sur les euromissiles et la reprise du dialogue entre Bonn et Moscou ont facilité le développement des rapports entre les deux États allemands, à tel point qu’Erich Honecker, secrétaire général du Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, S.E.D.) et président du Conseil d’État de la R.D.A., s’était rendu en visite officielle en république fédérale d’Allemagne du 7 au 11 septembre 1987. C’était la première visite d’un chef d’État est-allemand à Bonn. Les possibilités de voyage pour les citoyens de R.D.A., désireux de se rendre en Allemagne fédérale, avaient été considérablement élargies.Un des effets positifs de l’Ostpolitik a été de donner une plus grande liberté d’action à la R.F.A. dans le Tiers Monde, où elle redoutait toujours la reconnaissance de la R.D.A. Son engagement dans cette partie du monde est prudent, car elle craint d’être entraînée dans des conflits internationaux. Sa conception des rapports avec les pays en voie de développement est marquée par des préoccupations commerciales inspirées du libre-échangisme. Dans la crise du Golfe, lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, en 1990-1991, la République fédérale adoptera un profil bas, sous prétexte que la Loi fondamentale ne lui permet pas de participer à des actions militaires en dehors de la zone couverte par l’O.T.A.N. En 1994, le Tribunal fédéral constitutionnel lève cet interdit que les dirigeants politiques de Bonn s’imposèrent. En demandant un siège comme membre permanent du Conseil de sécurité à l’O.N.U., l’Allemagne unie souligne sa volonté de jouer un rôle plus actif sur le plan international.La construction de l’EuropeLe paradoxe de la République fédérale était évidemment que cet État, qui coopérait peu avec la R.D.A., restait solidement ancré dans des ensembles non allemands, notamment dans l’Europe communautaire. Il se trouve que l’idée européenne a été immédiatement populaire en Allemagne. Il était naturel que la République fédérale fût plus «européenne» que la France, de son côté plus «européenne» que la Grande-Bretagne. L’Allemagne était consciente du désastre total que le nationalisme lui avait apporté, la France savait qu’elle n’avait été victorieuse qu’à cause de l’intervention d’autres pays, mais la guerre n’avait pas profondément bouleversé ses structures nationales; la Grande-Bretagne, en revanche, a toujours eu conscience de n’avoir été sauvée en 1940 que par un sursaut de l’orgueil national. Le sentiment européen en Allemagne n’a cependant jamais été homogène. Aux extrêmes, on trouve les enthousiastes et les cyniques. Les premiers se sont surtout recrutés parmi les jeunes. Pour les seconds, l’Europe était le meilleur moyen de reconquérir l’égalité des droits. Une fois l’égalité obtenue, l’idée européenne perdait de son attrait.Pour le chancelier Adenauer, l’idée européenne était fortement liée à la notion de rapprochement franco-allemand. Des divergences assez nombreuses, surtout du temps du général de Gaulle, ont cependant opposé Paris et Bonn sur le contenu de l’Europe communautaire et sur les rapports de celle-ci avec l’Alliance atlantique.Le rattachement de la Sarre à la République fédérale et le projet de canalisation de la Moselle au bénéfice de la sidérurgielorraine, décidés par les accords signés à Luxembourg le 27 octobre 1956 par le chancelier Adenauer et le président Guy Mollet, ont mis fin aux dernières discordes entre les deux pays. De Robert Schuman au général de Gaulle, en passant par Pierre Mendès France et Guy Mollet, les interlocuteurs du chancelier l’ont aidé à réaliser un de ses objectifs essentiels: la création de liens franco-allemands étroits et durables. Les hommes d’État n’auraient pu cependant mener à bien leur action s’ils ne s’étaient trouvés en présence d’une sorte d’infrastructure humaine sous-tendant les rapports politiques entre les deux pays.Dès la fin de la guerre, en effet, il y eut des Français pour estimer qu’on ne pouvait bâtir l’avenir sur l’aversion et la crainte. La plupart d’entre eux venaient de la Résistance. Ils sortaient souvent des prisons allemandes et des camps de concentration. Ils ne croyaient pas à la culpabilité collective. Ils voulaient aider ceux des Allemands qui paraissaient désireux de construire une Allemagne nouvelle. Les premières rencontres franco-allemandes ont eu lieu ainsi dès 1945. Développés grâce à des initiatives diverses, dont celles d’associations spécialisées, les échanges ont peu à peu touché un public vaste et diversifié: ruraux et syndicalistes, aussi bien qu’enseignants et techniciens. Ils étaient destinés à faire prendre conscience des réalités et des problèmes du pays voisin. Leur succès a contribué à la création d’un organisme officiel qui, à son tour, a permis de multiplier et d’approfondir les réalisations antérieures: l’Office franco-allemand pour la jeunesse, prévu par le traité du 22 janvier 1963, et dont le statut a été fixé par une convention du 5 juillet 1963.Malgré les développements assez spectaculaires pris par l’Ostpolitik, l’engagement à l’Ouest est resté la priorité de la politique extérieure allemande, mais, là où Willy Brandt privilégiait les éléments politiques, Helmut Schmidt accordait la priorité aux aspects économiques. Avec l’accession à la présidence de la République en France de Georges Pompidou puis de Valéry Giscard d’Estaing, la convergence des points de vue français et allemand n’a fait que s’accentuer au bénéfice de la construction européenne. Les deux États ont trouvé des terrainsd’entente sur les sujets qui les opposaient autrefois: le premier élargissement de la C.E.E., l’élection du Parlement européen au suffrage universel, la mise en place d’un système monétaire européen. Depuis 1982, François Mitterrand et Helmut Kohl ont fait progresser des projets européens concrets comme la coopération technologique (Eurêka), l’Acte unique européen et la réalisation du grand marché intérieur, fixée à 1992. Signé en 1993, le traité de Maastricht créant l’Union européenne leur doit beaucoup. La R.F.A. réalise plus de la moitié de son commerce extérieur avec les pays membres de la C.E.E. et les trois quarts avec l’ensemble des pays occidentaux; aussi se considère-t-elle comme une des garantes de la stabilité économique de cette partie du monde. La coopération franco-allemande a connu cependant une indéniable relance, sur le plan structurel, avec la mise en place, en 1988, de plusieurs conseils dans des secteurs aussi différents que la culture, les échanges universitaires, la sécurité et le domaine militaire. Une brigade franco-allemande à vocation européenne (Eurocorps) a même vu le jour. La réunification allemande risque d’accentuer certains déséquilibres entre la France et l’Allemagne, contraintes de redéfinir le rôle de leur coopération dans l’Europe élargie.En définitive, l’évolution intérieure de la République fédérale dépendait largement de sa situation internationale. Si elle s’était sentie abandonnée par ses alliés, l’extrême amertume qui en aurait résulté aurait risqué de mettre un terme à sa tranquillité et à sa stabilité. En même temps, l’État de Bonn s’habituait à l’idée que la réunification était lointaine et qu’il pouvait continuer à s’affermir, à prospérer et à jouer un rôle important dans la politique mondiale comme les autres pays du même type. Si l’autre Allemagne s’était libéralisée dans une Europe vraiment marquée par la détente, les citoyens de la République fédérale auraient plus facilement accepté la division. Ils auraient découvert qu’au-delà des barbelés et des miradors, qui constituaient au cœur de l’Europe un étonnant anachronisme, des changements irréversibles se produisaient. La liberté de déplacement entre l’Est et l’Ouest, dans l’ensemble de l’Allemagne et de l’Europe, et le respect des droits de l’homme préoccupaient davantage les Allemands que les rêves d’une éventuelle unité dont les voisins et partenaires des États allemands ne semblaient guère vouloir hâter la réalisation.Avant la réalisation de l’unité allemande en 1990, la République fédérale apparaissait ainsi comme un État conscient de sa puissance mais désireux de ne pas présumer de ses forces. Pays stable, elle connaît une réussite remarquable, mais le revers de la stabilité et de la réussite économique est la crainte presque maladive de la remise en cause de l’acquis accumulé peu à peu depuis 1949 et l’hypersensibilité à la critique intérieure et extérieure. Le double refus, à l’égard du passé hitlérien et du communisme, sur lequel la République fédérale s’est construite demeure une donnée essentielle. Après le choc de l’aventure hitlérienne, la République fédérale ne veut pas se laisser tenter par l’extrémisme de droite. Produit de la guerre froide, la République fédérale cultive dans le même temps un fort anticommunisme qu’entretenait le voisinage du régime de la R.D.A. Mais cet anticommunisme encourage trop souvent l’intolérance. Les abus révélés par les contrôles de fidélité à la Constitution des candidats à la fonction publique, la dureté de la lutte antiterroriste et la méfiance à l’égard des pacifistes en témoignent. Il convient de ne pas perdre de vue ces faiblesses, ainsi que celles qui apparaissent dans d’autres domaines, sans pour autant sous-estimer les nombreux éléments de réussite dans les domaines les plus variés.Ayant retrouvé son unité par l’extension du système de la République fédérale à l’ancienne R.D.A., l’Allemagne unie doit veiller au maintien de ses équilibres intérieurs sur le plan institutionnel, politique, économique et social. Le rapprochement des mentalités entre les deux parties de l’Allemagne sera difficile. Quarante-cinq années de vie séparée laissent des différences durables. Le désir légitime de l’Allemagne unie d’assumer un rôle actif dans le développement des rapports avec la Russie et les pays d’Europe de l’Est ne doit pas s’accomplir au détriment de l’ancrage à l’Ouest et de l’approfondissement de la Communauté européenne. L’unité de 1990 place l’Allemagne devant de nombreux défis internes et externes. Un nouveau chapitre de l’histoire allemande s’est ouvert avec l’an 2000 comme point de mire.
Encyclopédie Universelle. 2012.